Admirez dans cette rue les anciennes maisons en bois du bourg.
Mais qui était Victor Schoelcher ? Pour la postérité, Victor Schoelcher reste celui qui abolit l’esclavage et la traite des Noirs qu’il qualifiait de « crimes de lèse-humanité ».
Rien ne prédestinait le jeune Victor à devenir un libérateur d’esclaves. Il naît à Paris en juillet 1804 sous le Premier Empire dans une famille bourgeoise aisée et catholique du faubourg Saint-Denis. Deux ans auparavant, le premier consul Bonaparte avait rétabli l’esclavage que l’Abbé Grégoire avait réussi à abolir (1794). Le jeune homme côtoie les milieux littéraires et artistiques parisiens où il se lie d’amitié avec George Sand, Hector Berlioz et Frantz Liszt. Mais son père, impatient qu’il s’investisse dans l’entreprise familiale de porcelaine, l’envoie comme représentant commercial dès 1828 aux Etats-Unis, au Mexique et à Cuba.
Dans les Caraïbes, Victor Schoelcher est horrifié par l’esclavage et les mauvais traitements infligés aux esclaves. A son retour en France en 1830, il décide d’abandonner le métier de porcelainier pour celui de journaliste, qui lui permettra de défendre les valeurs républicaines de liberté et d’égalité. Parallèlement, il adhère à la franc-maçonnerie.
Ayant revendu la manufacture de son père, il se consacre totalement à ses activités philanthropiques dès 1832. Après la mort de l’Abbé Grégoire, il prend le relais de la lutte contre l'esclavage en multipliant les articles, dont De l’esclavage des Noirs et de la législation coloniale (Paris, Paulin, 1833). Il repart en voyage dans les colonies dans les années 1838-40. Il prône désormais une abolition immédiate et complète, sans renoncer pour autant au colonialisme économique qu’il défend. En 1847, dans Histoire de l’esclavage pendant ces deux dernières années qui regroupe tous ses articles, il reconnaît en préambule : « Il est impossible d'introduire l'humanité dans l'esclavage. Il n'existe qu'un moyen d'améliorer réellement le sort des nègres, c'est de prononcer l'émancipation complète et immédiate ».
Survient la Révolution de février 1848. Il rencontre François Arago, ministre de la Guerre, de la Marine et des Colonies du Gouvernement Provisoire et devient Sous-secrétaire d’État aux Colonies et à la Marine et président de la Commission d‘abolition. Il est l'initiateur du décret du 27 avril 1848 qui abolit définitivement l'esclavage en France et dans les colonies françaises, selon le principe que "le sol de la France affranchit l'esclave qui le touche".
Dans la foulée, Victor Schoelcher est élu député aux colonies. De 1848 à 1850, il siège à gauche comme député de la Martinique à la Constituante et de la Guadeloupe à la Législative. Lors du coup d’État du 2 décembre 1851, il est aux côtés de Jean-Baptiste Baudin, représentant de la Montagne comme lui, lorsque celui-ci est blessé à mort sur la barricade. Violemment hostile à Napoléon III, il est proscrit jusqu'à la chute de l'Empire. Exilé en Angleterre, il rencontre Victor Hugo.
Le mythe Schoelcherien : Dans la seconde partie de sa vie, Schoelcher s'engage dans divers combats démocratiques comme les droits de la femme, l'abolition de la peine de mort, l'analphabétisme. Depuis 1848, son patronyme symbolise l’égalité de tous les hommes et la liberté. Après l’abdication de Napoléon III, il est élu à l’Assemblée de Bordeaux où il tente de jouer les conciliateurs entre Paris et l’Assemblée, sans succès. Il est emprisonné par la Commune quelques jours, puis relâché. Il est réélu, grâce aux réseaux maçonniques des Antilles, député de la Martinique à l’Assemblée nationale, en 1871.
Devenu sénateur inamovible en 1875, il milite contre la peine de mort et en 1877 il fait une proposition de loi interdisant la bastonnade dans les bagnes, ce qu’il obtient en 1880 avec l’abolition des peines corporelles. En 1884 et 1885, il tente de s’opposer, sans succès, à l’institution de la relégation des forçats récidivistes en Guyane. Abolitionniste mais colonialiste, il continue de défendre la colonisation par le bulletin de vote et la scolarisation. Il meurt en 1893. Ses cendres seront transférées au Panthéon le 20 mai 1949.
Un principe : "Disons-nous et disons à nos enfants que tant qu'il restera un esclave sur la surface de la Terre, l'asservissement de cet homme est une injure permanente faite à la race humaine tout entière."
Un texte : "Toutes les libertés sont soeurs : le peuple français, en s'émancipant, devait émanciper les esclaves ; un des derniers devoirs pour la France, délivrée de la monarchie, était d'en finir avec les hontes de l'esclavage. Le gouvernement provisoire l'a compris, il n'a pas différé la réparation de ce grand crime commis envers l'humanité. Il a voulu extirper sans délai, du sol français, l'institution qui nous déshonorait. A peine installé, il abolit la servitude, comme la royauté, comme la peine de mort, comme le châtiment corporel à bord des vaisseaux, comme tous les restes de la barbarie antique qui souillait encore nos codes."