Jusqu'à la Première Guerre mondiale, Cambrai avait gardé son paysage urbain hérité du Moyen Âge aux rues étroites et sinueuses. L'hôtel de ville se trouvait coincé sur le côté de l'ancienne Place d'Armes dont la forme était irrégulière. Les bombardements de l'automne 1918 firent de Cambrai une ville martyre : 900 immeubles sont détruits et 5 400 endommagés. Le centre de la ville est ainsi ravagé. La loi Cornudet du 14 mars 1919 impose aux villes sinistrées de plus de 10 000 habitants la mise en place d'un plan d'aménagement, d'extension et d’embellissement. Cette loi permet à Cambrai de renaître de ses cendres.
Un concours, mis en place par la municipalité, permet de choisir le meilleur projet. L'architecte parisien Pierre Leprince-Ringuet, ingénieur des Arts et Manufactures, en est le lauréat. Son plan d'urbanisme permet à Cambrai de devenir une ville moderne, fonctionnelle et aérée. Le centre-ville est redessiné. Son accès est facilité par l'ouverture de grandes artères comme l'Avenue de la Victoire. De nouvelles places sont créées : celle de la République permet de regrouper les fonctions administratives ; celle de la Grand'Place et des rues adjacentes, les activités commerciales.
L'hôtel de ville, désormais au centre de la place, dont le tracé a été régularisé, doit son allure générale à l'architecte parisien Jacques Denis Antoine. Sa façade de style néoclassique est réalisée à la fin du XVIIIe siècle. La pierre de mauvaise qualité oblige sa complète reconstruction en 1877. Les bombardements de la première guerre ne l’épargnent pas : seule la façade est conservée. Aujourd'hui, elle présente un avant-corps central qui reprend la forme d'un temple grec. Les sculptures de son fronton triangulaire sont dues à Ernest Hiolle, Grand Prix de Rome. Il présente la ville sous les traits d'une jeune femme appuyée sur un lion, tenant les tables de la loi et les outils de travail. Surmontant cette partie centrale, le campanile vient adoucir la sévérité du bâtiment tout en apportant un accent régional. Il abrite le carillon constitué de 32 cloches, relié à un clavier placé derrière le cadran des horloges. Tous les samedis matin et les jours de fête, des concerts sont donnés par le carillonneur de la ville. Ce campanile est encadré de deux jacquemarts, Martin et Martine, qui protègent la ville depuis 1512. Ils sont les héros d'une légende qui se situe vers 1370. A cette époque, la région est troublée par la guerre de Cent Ans. Profitant de cette situation, le seigneur de Thun-Saint-Martin rançonne les Cambrésiens. Las de payer, Martin, forgeron établi près de la porte Notre-Dame, dirige la révolte et part assaillir le tyran. Le combat est inégal car Martin a pour seule arme le marteau de sa forge. Se trouvant face au seigneur en armure, il arrive cependant à l'assommer d'un seul coup de marteau. La violence du coup fait perdre la raison au despote et cause l'effroi de son armée qui se sauve. La ville est ainsi libérée grâce au courageux Martin et à son épouse Martine. Ils sont depuis immortalisés sous les traits de deux personnages en habit mauresque, martelant les heures du haut du campanile. On les retrouve également sous la forme de géant.
L’hôtel de ville présente de nombreuses salles de réception décorées de stucs. La salle des mariages et son antichambre sont ornées de fresques dues à Emile Flamand, artiste régional et lauréat du concours des arts décoratifs de 1925. Réalisées en 1931, elles illustrent l’histoire et la tradition de la cité. Ces salles sont accessibles lors de visites guidées.
Pierre Leprince-Ringuet dirige la reconstruction de la cité, mais laisse aux propriétaires le choix de leurs architectes. Un cahier des charges impose aux maisons de la Grand'Place un alignement, trois niveaux d'élévation et des toitures en ardoises. Celles situées aux angles doivent être surmontées d'un pignon. Ainsi reconstruite, la Grand'Place présente une unité dans sa structure et dans sa forme, tout en offrant une grande diversité dans l'élaboration de ses façades. Parmi ces maisons, on peut remarquer celle située à droite de l'hôtel de ville. Réalisée par Ernest Gaillard, sa façade en briques orange est percée par de très larges baies en verre, rendues possible par le développement des techniques industrielles. Son pignon est surmonté d’un acrotère en forme de vase d’où s’échappent des fleurs. Ce motif est repris dans les bas-reliefs de la façade et au niveau des ferronneries. L'immeuble face à l'hôtel de ville est un bel exemple de style Art déco. Sa façade en ciment comprend 5 travées asymétriques délimitées par des pilastres stylisés. La travée centrale, où se trouve l'entrée du magasin, est couronnée d'un fronton décoré de motif fleuris tandis que la travée disposée à l'angle de l'Avenue de la Victoire est marquée d'un haut pignon à volutes stylisées. De larges baies percent également cette façade où se trouvaient autrefois les salons d'essayage d'un magasin de luxe.