Imaginez la place, il y a un banc en béton, une cabine téléphonique, le fameux disquaire musique Mélodies Massacre. Sur cette place des dizaines de jeunes : il restait les rescapés des hippies, ceux qui n'étaient pas partis car trop jeunes, maquillés, les cheveux longs, les ongles de couleurs (filles comme garçons) vêtus d'un manteau afghan (hiver comme été) et les premiers punks. Le disquaire est réputé pour la musique punk rock. Pour bien imaginer le lieu mythique se trouve au milieu de la place face au torréfacteur. Tout ce petit monde reste à zoner pendant des heures... Malgré tout, pour les plus riches, trois bars à côté. Dans la journée, on bit un coup au Café du Gros Horloge ou au Café de Rouen et plus tard dans la nuit on va au Big Ben ! Mélodies Massacre est un point névralgique vu sa géographie (photo 1).
Le slogan de Mélodies Massacre écrit pas le vendeur Éric Tandy : « Tous les dimanches, je suis malheureux parce que j’attends le lundi pour aller chez Mélodies »… (photo 2)
Le patron Lionel Herrmani ouvre sa boutique de 28m² en juillet 1972. Ancien prof de Français et d’Anglais à Fécamp, il démissionne pour son projet. C’est sa femme qui a trouvé le nom de la boutique. Nous sommes rue Massacre, le nom de la rue s’y prête et Mélodies quoi de plus naturel pour un magasin de disques, de plus la donne un côté un peu provocant. Cela donne un ton. La décoration primitive était dans le goût des années 70, dans les prune et mauve (photo 3).
Devant chez Mélodies Massacre, Les garçons ne parlent que musique. On vient chez Mélodies pour chercher l’exclusivité que l’autre n’a pas trouvé. Le patron Lionel a plein d’imports. Il va acheter les disques aux États-Unis, des exclusivités ! Le vendeur Éric, lui, est tourné vers l’Angleterre. Les fans ou les connaisseurs achètent deux disques : un pour l'écouter, l’autre à collectionner ! On spécule…
Au pire pour les moins riches on enregistre sur des mini cassettes (photo 4)…
Une nouvelle scène arrive, le mouvement punk est un dérivé du rock apparu dans les années 1970. Le punk rock commence à émerger, aux États-Unis entre 1974 et en 1976 au Royaume-Uni et en Australie. Des groupes comme les Ramones, les Sex pistols, the Clash sont reconnus commes des pionniers. Il y a aussi Patti Smith, Iggy Pop, Television… À ce moment-là, le manager des Sex Pistols, Malcom Maclaren sent le vent tourné et ramène cette mouvance en Angleterre. Par conséquent, elle rebondit en France. Le punk est une musique rapide et rude, les chansons sont de courte durée, l'instrumentation est très simplifiée. Les paroles sont souvent chargées de messages politiques ou nihilistes.
Le mouvement punk, associé au genre, exprime une rébellion jeune et est caractérisé par des styles vestimentaires distinctifs, une variété d'idéologies anti-autoritaires et une attitude do it yourself (« Faites-le vous-même »). Les punks sont habillés tout en noir (photos 5 et 6)…
Le punk c’est aussi et d’abord des petites scènes, on fait de l’auto production. Lionel Herrmani produit les Dogs. J’ai produit aussi le second 45 tours des Dogs, un quatre titres, avec pour la pochette le même photographe et le même maquettiste. »tiré du livre Too much
Sur le mur de cette place qui porte le nom de Dominique Laboubée mais comme vous l’entendez pas d’une façon fortuite car Dominique est un client assidu… Dominique Laboubée passe tous les jours à la boutique vers 17h ou 17h30. Ses copains passent également. Lionel veut faire un disque promotionnel « Charlie was a good boy » pour son magasin et donc il loue du matériel dans la boutique en face, chez Courtin, et enregistre dans la cave du magasin. Un second titre « No Way, Nineteen » sur le label de Mélodies Massacre
Lionel le raconte dans le livre de Catherine Laboubée « Too much class...Dogs, l'histoire ». En voici un extrait :
« Lors de l’enregistrement du premier 45 tours, Dominique avait la voix très éraillée, car les prises furent réalisées en un temps record. Pas de place pour récupérer ! Personne ne savait d’ailleurs se servir du magnétophone quatre pistes prêté par un vendeur de la maison Courtin, magasin de Hi-Fi situé face à Mélodies. Au fils des enregistrements, des difficultés apparurent […] Tout le monde s’énervait et, bien que je lui dise que cela ne collait pas, Dominique affirmait que la prise était bonne. Enfin, il appuya sur deux ou trois des boutons interdits et, miraculeusement, nous avons pu entendre le fameux solo, parfaitement en place. L’ingénieur du son était Yves Surlemont, aujourd’hui chirurgien, et la maquette de la pochette d’Étienne Robial. Les photos du groupe avaient été réalisées par Bruno Le Trividic. »
Lionel Herrmani, ce passionné, ne veut pas devenir un marchand de disques, il est un disquaire ! Il n’a pas le cœur à continuer dans un contexte où les grandes enseignes tuent les petits disquaires. De plus, il n’aime pas la New Wave qui arrive à grand pas… Résolument, Lionel Herrmani baisse le rideau de Mélodies Massacre à l’automne 1983.