La partie Nord du Pays d’Aix constitue l’ouverture sur l’eau que ce territoire n’a pas. Terroir viticole de renom coupé par la vallée de la Durance, fleuve mythique de la Provence et voie de migration d’intérêt européen, le Nord du pays d’Aix est aussi la fontaine d’eau de la Provence méridionale, grâce à ses canaux historiques. La Roque d’Anthéron, cité établie sur la rive gauche de la Durance, témoigne du travail d’irrigation exemplaire des moines de Silvacane, et possède un très riche réseau hydraulique à découvrir. Le canal du Moulin est le plus ancien, creusé au XVIe siècle et permet d’alimenter le château et faire tourner le moulin. Le canal de Craponne creusé en 1554, par Adam de Craponne, ingénieur du roi prend l’eau à La Roque d’Anthéron, pour l’emmener jusqu’à Salon de Provence, éloignant ainsi le spectre de la soif et irrigant le désert de la Crau, tout en faisant tourner de nombreux moulins apportant un véritable essor économique pour tout un territoire.
Trois siècles plus tard, entre 1838 et 1848, un jeune ingénieur d’origine suisse, Franz Major de Montricher creuse un troisième canal pour apporter l’eau de la Durance à Marseille, en s’inspirant largement du travail de Craponne. La ville qui connaissait jusqu’alors des pénuries d’eau récurrentes, mettant à sec ses 10 à 12 000 puits, comme ce fut le cas en 1834, pris l’engagement de construire un canal quel qu’en soit le coût. Cette oeuvre est non seulement technique puisqu’elle contient des ouvrages très sophistiqués comme la Retenue d’eau de Saint Christophe et d’une grande qualité de construction avec des ponts, aqueducs et tunnels, mais aussi sociale de par ses choix, comme celui de l’aqueduc de Roquefavour, qui outre le fait d’être monumental et esthétique a donné du travail à des centaines d’hommes au chômage. Aujourd’hui, ce canal alimente toujours Marseille et son prolongement est aussi entré dans l’histoire grâce à Marcel Pagnol qui relate ses souvenirs liés au canal dans son roman autobiographique, Le château de ma Mère.
Enfin, le canal EdF traverse également la commune pour rejoindre Saint-Chamas au Nord de l’étang de Berre et son usine hydro-électrique.
Les sources de Silvacane (43°42'58.33"N 5°19'45.12"E)
L’emplacement choisi pour la fondation d’une abbaye est toujours mûrement réfléchi, et répond à un impératif : jouir d’une eau en abondance. L'existence de sources pérennes, ayant donc un débit suivi, permit aux Cisterciens de s’installer au XIIe siècle sur le site de Silvacane, sur une zone rocheuse, au milieu de marécages. Le nom des abbayes étant généralement inspiré des caractéristiques du site, le nom actuel de Silvacane évoque une forêt de roseaux, contraction des mots latins silva qui signifie forêt et cannae, roseaux. Grands spécialistes de la gestion de l’eau, les premiers moines ont commencé par drainer ces marécages de la Durance, afin de rendre leurs terres fertiles et se sont efforcés à maitriser l’eau des sources. En contre-bas de l'actuel parking, l’eau semble sortir des collines pour remplir deux bassins, tandis qu’une ancienne canalisation toujours visible, amenait cette eau souterraine jusqu’au jardin et au lavabo placé comme le veut la tradition à l’intérieur du cloître. Ce lavabo en pierre, assez modeste pour cette abbaye, est situé à proximité immédiate du réfectoire, afin que les moines puissent se laver les mains avant de se restaurer. C’est un élément très important de l’abbaye car il sert aux ablutions, aux purifications rituelles avant la prière : l'hygiène était assez sommaire (peu de bains et peu de changements de vêtements) mais les moines se lavaient les mains et le visage plusieurs fois par jour, après les
travaux manuels (jardinage et travaux agricoles, artisanat ou copie de manuscrits) qui occupaient l’essentiel de leur temps.
Les sources de Silvacane restent en bien des points mystérieuses et n’ont toujours pas délivré leur secret malgré les études du BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières) : en effet elles coulent avec un débit étonnant que ne peut expliquer la pluviométrie et le faible réservoir que devraient abriter les collines situées au Sud de l’abbaye ; les anciens disaient même qu’un lac se cachait sous les collines ! Quoi qu’il en soit cette eau abondante est à l’origine d’un environnement très agréable, particulièrement en été.
Ce comportement mystérieux de l'eau a également été remarqué dans le puits du Musée de Géologie et d’Ethnographie du village, cet ancien puits conservé in situ et mis en valeur, qui permet de découvrir quelques mètres plus bas, une nappe d’eau souterraine cristalline.
Musée de Géologie et d’Ethnographie, cours Foch Tel/Fax : 04 42 53 41 32
La prise d’eau du canal de Craponne
Cette prise d’eau du canal de Craponne (1554), est la quatrième et dernière réalisée, les précédentes ayant été emportées par les crues de la Durance. C’est un magnifique ouvrage constitué par la maison des Eygadiers du canal, surmontée des armoiries de Craponne, et de martelières encastrées dans un mur de pierre en très bel appareil, formant barrage de façon oblique sur le cours de la Durance. Ces martelières permettaient de réguler le débit suivant les besoins en les ouvrant plus ou moins. Une simple digue de galets dans le cours de la rivière détournait une partie des eaux, et permettait un débit au départ de 8 m3/s. Le canal va modifier complètement l’économie de la Crau, cet ancien delta caillouteux de la Durance, limité au nord par les Alpilles, par les collines de Salon-de-Provence et l’étang de Berre à l’est et par le Rhône à l’ouest. Grâce à lui, la Crau devient une zone fertile, reconnue pour son arboriculture, sa production maraîchère et la qualité exceptionnelle de son foin, le premier et le seul en Europe à détenir l'Appellation d'Origine Protégée, l'équivalent de l'AOC à l'échelle européenne.
Les restes du vieux canal de Craponne, sacrifié par le canal EdF n’est plus désormais à La Roque qu’une tranchée remplie de roseaux et d’Iris, mais qui est le refuge d’une riche faune ornithologique.
Les martelières et la roue à aubes
Sur les bords de la D 561, à droite de la route en se dirigeant vers l’Ouest, on peut observer un système de martelières, cette sorte de dispositif mécanique comparable à un clapet permettant de réguler le débit suivant les besoins, en les ouvrant plus ou moins. Le canal se trouvait à droite (sous l’actuel canal EDF), l’ouvrage gérait un bief qui dirigeait une partie de l’eau vers une roue à aubes qui se trouve toujours quelques centaines de mètres plus loin, sur la gauche de la route ; la D 561 couvre totalement ce complexe hydraulique. La roue à aubes était une obligation de service, elle réalimentait en eau le petit canal du Moulin qui était privé d’eau par le canal de Craponne.
Le bassin de Saint Christophe (43°42'24.57"N 5°21'27.70"E)
Sous des aspects de banal plan d'eau, Saint Christophe est un chef d’oeuvre technologique et un ouvrage indispensable au canal de Marseille ; c’est à la fois une réserve de 2 millions de m3 d’eau et un bassin de décantation construit sur le canal de Marseille, chargé de clarifier les eaux limoneuses de la Durance. L’ouvrage conçu certainement par Franz Mayor de Montricher, a été réalisé plus tard par l'ingénieur De Pascalis à partir de 1875. Celui-ci commença d'abord par la construction d'une cité ouvrière avant d'attaquer le chantier. Le barrage a été construit en s’appuyant sur l’aqueduc préexistant, haut de 25 mètres, qui traversait le vallon de Saint-Christophe, en son point le plus étroit. Inauguré en 1882, le plan d’eau couvre 20 ha et est constitué d’un vaste bassin central tapissé de rigoles séparées par des murets (appelés cavaliers) qui suivent une pente permettant aux vases de se déposer. Chaque année, à l’automne le bassin est vidé en actionnant pas moins de 970 vannes. Cette opération donnait lieu à des pêches miraculeuses le long du canal et attirait de très nombreux pêcheurs, qui pour les plus efficaces, pouvaient attraper jusqu’à 100 kg de poissons par jour. De nos jours, il est délimoné, c’est-à-dire débarrassé de quelques 13 000 tonnes de boues accumulées, à l’aide de tractopelles ; ces travaux lui permettant de conserver sa fonction de décanteur s’étalent sur une semaine et l’on peut alors y voir sa forme très particulière, complexe et savamment étudiée.