Commençons notre visite par la collégiale de Soignies. À l’époque, Soignies n’est qu’un petit village, une bourgade sans grande importance. La construction d’une telle collégiale est une démesure au regard des besoins locaux. Disproportionnée dans un paysage de verdure, on la voit à des lieues à la ronde !
Entrez dans la collégiale et observez cet univers fait de pierre et de verre.… Tout est dédié à Saint-Vincent. Un grand homme pour un grand édifice !
Nous sommes au VIIe siècle. Un beau jour, un moine vient s’installer au milieu de la forêt : il veut s’éloigner de tout afin d’épouser une vie de contemplation.
- Mais qui est ce saint homme ?
- Je m’appelle Madelgaire, noble franc.
Madelgaire nait en 607 dans le Hainaut. Il épouse Waudru, une dame de la haute noblesse et ensemble ils ont quatre enfants. Tout en accomplissant les devoirs liés à son rang, Madelgaire fonde le monastère de Hautmont. Ayant terminé l’éducation de ses enfants et d’un commun accord avec son épouse, il s’y retire afin d’embrasser la vie religieuse, loin de la puissance et de la gloire. Cependant, désireux de s’éloigner plus loin encore de la population, il construit un monastère au milieu de la forêt. Il prend le nom de Vincent, « le victorieux ».
L’édifice porte le nom de « collégiale » car il a accueilli durant des siècles les chanoines du chapitre de Soignies. Le mot chanoine vient du latin canonius – canon – et fait référence à la règle établie par le clergé qui devait être récitée et méditée chaque matin par la communauté religieuse, chapitre après chapitre, afin d’être intériorisée. D’où le nom de l’institution religieuse.
Avancez vers le chœur de l’église. Regardez à travers la vitre : au fond, au milieu du retable, trône la somptueuse châsse de saint Vincent. Mais, ce n’est pas le seul trésor de ces lieux : les miséricordes de stalles en chêne sculpté valent aussi le détour. Elles permettaient aux chanoines de s’y appuyer lorsqu’ils étaient fatigués, d’où leur nom : ils se reposaient tout en demandant miséricorde à Dieu ! Pourquoi étaient-ils fatigués ? Car ils devaient réciter des prières debout durant de longues heures…
- Mais de quoi vivaient-ils ?
- De la dîme, cette taxe payée par le peuple, et des dons de riches laïcs pour s’accorder les faveurs du Dieu tout puissant.
Pour construire la collégiale romane, il a fallu faire appel à un nombre important de gens de métier : des architectes, des carriers, des tailleurs de pierre, des charpentiers ou encore des forgerons. Pendant des dizaines d’années, la vie à Soignies est donc rythmée par le va-et-vient de la scie sur le bois ou encore par le bruit du marteau contre la pierre.
Promenez-vous à présent dans la collégiale et partez à la découverte de quelques-unes de ses œuvres remarquables.
Dans le jubé, sur la droite, une Vierge à l’Enfant regarde le fidèle avec bienveillance. Tout en allaitant l’Enfant Jésus, elle tient dans sa main droite un livre, sans doute la Bible. On devine le corps en-dessous des draps : la draperie est fluide, elle épouse les formes, et la ceinture accentue ce désir de réalisme. Ces caractéristiques sont typiques de la sculpture gothique.
- Viens petit, il faut rendre les derniers hommages au Christ.
- Il est ici ?
- On pourrait presque croire que oui…
Au fond de l’église, à la droite du chœur, un ensemble sculptural intégré dans une niche murale déploie tout le génie d’un artiste du XVe siècle : la Mise au Tombeau. Ce thème est récurrent à l’époque de l’artiste : c’est la fin d’un siècle ponctué de famines, d’épidémies et de guerres. Pour réchauffer les cœurs, l’Eglise met en avant l’ultime sacrifice du Christ symbole d’une résurrection future et d’une vie meilleure dans l’au-delà pour tous … ou presque.
- Tout paraît si réaliste.
En se retournant, une ouverture laisse apparaître le chœur. Sur le mur d’en face, en haut à gauche, se dévoilent quelques dessins à l’ocre de l’époque gothique : une frise et des arcades du XIIIe siècle, restaurées il y a peu. Au XIe siècle, la collégiale est entièrement peinte de motifs géométriques, d’arcatures ou encore de rinceaux d’inspiration végétale. L’ensemble crée un véritable appareil à faux joints : il imite la maçonnerie en soulignant les arcs des fenêtres ou encore les voûtes. Aujourd’hui, les murs sont recouverts d’un beige rosé, la teinte la plus ancienne attestée dans l’édifice. Cet enduit protège d’autres motifs, toujours cachés, par souci de conservation.
- Imagine la profusion de couleurs…Cela devait être magnifique !
Continuez jusqu’au fond de l’église pour vous retrouver derrière le chœur, et prêtez-vous au rituel du lieu : passez entre les colonnes en y frottant vos articulations. Une étrange coutume ? Pas tant que ça… Au-dessus de vos têtes se trouve la châsse de saint Vincent contenant ses reliques. Se frotter aux colonnes permet d’être au plus proche du saint et de guérir ses problèmes d’articulation et de rhumatisme.
Le culte des reliques est très répandu au Moyen Âge. Afin de manifester sa puissance, les fidèles les disposent dans un reliquaire ou une châsse richement décorés. Des analyses au carbone 14 ont démontré que les ossements présents dans la châsse de saint Vincent remontent bien au VIIe siècle. Chanoines et Sonégiens ont su préserver leur trésor des aléas du temps.
Au départ, les reliques de saint Vincent auraient été placées dans une crypte semi-enterrée, éclairées par des fentes dans le mur blanc, toujours visibles aujourd’hui. Cet espace derrière le chœur, c’était donc la rue.
Au XIIe siècle, la coutume veut qu’on élève les reliques pour les montrer aux fidèles et aux pèlerins. Le chapitre construit alors un gigantesque monument composé d’au moins 80 colonnes, fabriquées en calcaire de Tournai soutenant la châsse de saint Vincent. L’agencement actuel date de la deuxième moitié du XVIIe siècle et du début du siècle suivant.
La collégiale abrite également un musée : le Musée du Chapitre.
Établi dans les anciens locaux du chapitre, le Musée du même nom expose des œuvres d’art sacré, liées à l’histoire religieuse locale.
Ouvert chaque dimanche de 14h à 18h de la Pentecôte aux Journées du Patrimoine
Du 1er avril au 31 octobre : 8h – 18h
Du 1er novembre au 31 mars : 8h – 17h