Cette rue a été construite à partir du milieu du 19e siècle. Les bâtiments de l’époque sont allongés perpendiculairement à l’axe de voirie, telle qu’on le voit bien au numéro 25. Leur côté long est ainsi exposé au sud-est (dans votre dos), pour bénéficier de l’apport calorique du soleil bien nécessaire à une époque où le chauffage central est inexistant.
À l’origine, les bâtiments sont des fermes bicellulaires (composées d’un logis et d’une petite étable), le logement de gens modestes qui ne possèdent qu’une ou deux bêtes et un petit potager pour leur subsidence rudimentaire. Ces manouvriers agricoles louent leurs bras aux fermes céréalières du coin qui exploitent les terres du plateau que vous venez de traverser.
Prenez le temps d’observer attentivement les matériaux des murs et leur agencement. Dans le pignon, vous voyez un premier niveau en moellons (des pierres non-taillées), comme le sous-bassement côté façade. Ces parties marquent vraisemblablement le contour de la première édification d’un logis : un tout petit volume, historiquement sans étage, avec une grande pièce unique pour toute la famille. Les murs sont alors faits de torchis plaqué sur des pans de bois, et le tout est chaulé ou enduit ; le toit est en chaume (paille ou roseaux ; qui nécessite une pente de toit plus forte qu’actuellement).
Le logis est ensuite modernisé quand les finances du ménage le permettent : torchis et bois sont remplacés par des briques artisanales, cuites sur place (voyez les différences de coloration à l’angle du rez-de-chaussée). L’étage n’arrive qu’une ou deux générations plus tard (voyez la différence : la couleur des briques est cette fois plus régulière, grâce à une fabrication industrielle naissante), lorsque la famille nécessite plus de place pour ses nombreux enfants (facilement 8 à 10 au début du 20e siècle). Les ouvertures sont également adaptées selon la disponibilité (des châssis de plus en plus grands ; puis double-vitrage) et selon l’usage du bâtiment (voyez la porte d’entrée actuelle côté étable ; celle d’origine a été partiellement rebouchée et replacée par une fenêtre).
Dans le prolongement de ce logis initial, sans doute une petite étable ou un atelier (encore sans étage actuellement). À la suite, une dernière extension d’après-guerre avec des briques industrielles lisses et régulières. En vis-à-vis, de l’autre côté de la cour, on retrouve un bâtiment qui a subi des transformations de matériaux similaires (observez son pignon). L’amplification du volume est, par contre, largement horizontale ici. D’abord le long de la route (moellons et briques artisanales) puis le long de la cours (brique industrielle d’après-guerre : on ne voit que leur côté long). Très certainement liée à l’augmentation du nombre et de la variété d’animaux.