Tel ce voyageur du siècle passé, il ne faut jamais cesser d’« humer » la ville et les mets qu’elle a à offrir.
Depuis huit jours, j’avais déchiré mes bottines
Aux cailloux des chemins. J’entrais à Charleroi.
– Au Cabaret-Vert : je demandai des tartines
De beurre et du jambon qui fût à moitié froid.
Bienheureux, j’allongeai les jambes sous la table
Verte : je contemplai les sujets très naïfs
De la tapisserie. – Et ce fut adorable,
Quand la fille aux tétons énormes, aux yeux vifs,
– Celle-là, ce n’est pas un baiser qui l’épeure ! –
Rieuse, m’apporta des tartines de beurre,
Du jambon tiède, dans un plat colorié,
Du jambon rose et blanc parfumé d’une gousse
D’ail, – et m’emplit la chope immense, avec sa mousse
Que dorait un rayon de soleil arriéré.
Au cabaret vert, cinq heure du soir. Arthur Rimbaud, Cahier de Douai
Le Cabaret Vert fait référence à « La Maison Verte », un bistrot-hôtel situé Rue de la Station, juste à côté du Quai de Brabant rebaptisé en mémoire du célèbre poète.
Rimbaud passa quelques jours en ville car il espérait travailler au "Journal de Charleroi". Dans l’attente d’une réponse, le jeune homme erra la nuit dans les ruelles : « J’ai soupé en humant l’odeur des soupiraux d’où s’exhalaient les fumets des viandes et des volailles rôties des bonnes cuisines bourgeoises de Charleroi, puis en allant grignoter au clair de lune une tablette de chocolat fumacien » (extrait de la lettre à Billuart, publié dans l’article précité).