Dans les premières pages de ses Mémoires, Mme de Sapinaud, réfugiée chez sa cousine Mme de la Vincendière dans une belle maison dont il ne reste plus que le bas de la porte d'entrée, raconte ce geste d’humanité paradoxal qui s'y est déroulé le 17 octobre 1793, le jour même de la défaite de l'armée vendéenne à Cholet.
Dans la grande confusion de cette bataille, un groupe de combattants vendéens qui «faisait la chasse aux Bleus» avait fait une quinzaine de prisonniers qu'ils avaient enfermé dans le «doyenné» (actuel presbytère). Elle écrit «Ils me dirent qu'ils en avaient beaucoup tué, et il y en avait qui avaient montres d'or et d’argent et le gousset bien garni tant en argent qu'en assignats». Souhaitant rejoindre au plus vite l'armée vendéenne et ne point s'encombrer de prisonniers, les combattants «dirent devant eux qu'il fallait les fusiller. Heureusement pour ces pauvres misérables que j'étais là, avec le supérieur des Montfortains, le Père Supiot, qui se mit à genoux devant ces effrénés pour les empêcher de leur ôter la vie. Il y en eut un qui me dit:«Eh bien, faites-les donc garder, ou gardez-les vous-même et en répondez.Je ne fus point embarrassée, je lui dis:- Oui, mon ami, les femmes et moi nous les garderons.
Effectivement, ce qui fut dit fut fait.»Les 15 prisonniers républicains furent reconduits le lendemain, dans l'après-midi, par le maire et plusieurs hommes pour être remis à la garde républicaine de Cholet, chacun espérant que cet acte de clémence sauverait la paroisse de toutes représailles futures... en vain!Le père Supiot aurait supplié à genoux les combattants vendéens: «Puisque je ne peux sauver la vie de mes frères qui sont les vôtres, je mourrai avec eux. Tirez sur moi.»C'est par cet acte, prélude au célèbre pardon de Bonchamp, que commence le périlleux périple de Mme de Sapinaud à Saint-Laurent d'octobre 1793 à 1795.