Pendant que les 16 passagers se réveillent et grimpent un à un sur le pont pour découvrir Malpelo, je m’affaire en bas, sur le pont de plongées. Hors les combinaisons et les caméras, tous les blocs et les équipements sont déjà sur les skiffs et y resteront jusqu’à notre départ de Malpelo. Ainsi, l’espace est complètement dégagé. Cela facilitera notablement les séances d’habillage et les retours de plongées.
Les vérifications de mon caisson Hugyfot ne prennent qu’une minute. Une diode clignotante verte et je sais que je suis prêt à plonger, sans risque de fuite d’eau.
Pour cette première, je m’en remets entièrement à Louis qui est déjà venu très souvent à Malpelo. Il recommande la Nevera, une station de nettoyage à marteaux. Quatre minutes plus tard, nous avons rejoint notre spot situé sur le coté ouest de l’île. Il fait encore très sombre mais rien ne nous arrêtera. Mise à l’eau négative au cas ou le courant serait plus important que nous pensons. Louis a été briefé et reste derrière moi. Je ne veux pas de bulles dans mes plans séquences ou sur mes photos. L’eau en surface est à 28°C. Nous traversons rapidement la thermocline à 25 mètres. La température a baissé de quelques degrés mais ma combinaison intégrale de 3mm suffit parfaitement à me protéger. A 35 mètres nous nous calons contre la roche et attendons non sans jeter un œil à nos palmes. En effet, l’île abrite une importante colonie de murènes vertes qui passent le plus clair de leur temps à nager en pleine eau. Il y en a partout et c’est un véritable exercice d’équilibriste que de ne pas les déranger en les bousculant.
Il fait très sombre et ma caméra reste baissée. Je veux prendre contact avec l’île et m’en imprégner, repérer mes sujets avant de commencer à « shooter » à tout va… J’ai 8 jours devant moi et j’aurais du temps pour réaliser les plans que je veux.
La station de nettoyage devant nous est bien occupée. Des papillons à nez noir (Johnrandallia nigrirostris) et des demoiselles royales (Holacanthus passer) s’affairent sur des carangues arc-en-ciel (Elagatis bipinnulata) et des mérous cuir (Dermatolepis dermatolepis).
Des raies aigles en formation serrées nous survolent. Je réfléchis qu’il y a longtemps que je n’ai vu de station de nettoyage aussi occupée quand nos premiers marteaux apparaissent. Un, puis deux puis 5. Le reste du banc est là, j’en suis sûr mais il fait tellement sombre que nous ne les apercevons pas. Un Galápagos puis deux défilent tranquillement, noblement, une nuée de carangues travaillant sur leur queue. C’est le seigneur des lieux. Puis c’est un « silky », un requin soyeux, plus nerveux, plus alerte que ses cousins. J’ai l’impression d’être au balcon, à une représentation de l’océan, et que celui-ci me présente tour à tour ses plus beaux joyaux. Pour une première, c’est une magnifique première.
Alors que nous sommes en train de remonter, la luminosité décroit encore. Nous faisons surface sous une averse torrentielle. Le ciel est noir et la visibilité ne dépasse pas quelques mètres. Heureusement, Felix notre pilote a suivi nos bulles alors que nous remontions en nageant vers le large pour éviter le ressac du bord en surface.
A Malpelo, il faut toujours tenir compte de cette météo changeante et tirer le parachute de signalisation aussi tôt que possible sous peine de ne pas être repérés en surface.