Morteau, une maison des Guerres de religion
La maison forte de Morteau est une invitation à remonter le temps jusqu'au XVI siècle finissant, profondément troublé par les Guerres de Religion.
L'ascension de Nicolas de Hault :
Tout commence en 1594, lorsque l'écuyer Nicolas de Haut revient à Chaumont après un périlleux pèlerinage de plus d'un an vers Jérusalem où il a été fait Chevalier du Saint-Sépulcre.
Issu d'une famille de notables chaumontais et procureur du Roi, il s'allie à la puissante famille Rose en épousant Marguerite, nièce de l'évêque ligueur Guillaume Rose. Il ne lui manque plus qu'une trre et un château: c'est chose faite en 1596, date à laquelle il acquiert en partie la seigneurie de Morteau et fait édifier la maison forte qui s'y trouve encore aujourd'hui.
Une maison forte :
Mais le plan bastionné, un corps de logis cerné de quatre tours losangées, ne témoigne pas seulement de la puissance du nouveau seigneur. Il rappelle la fonction défensive de cette maison forte, attesté par l'épaisse porte cloutée surmontée d'une bretèche, les meurtrières aux parties basses des tours, les fenêtres de tir ou barrées de grilles sur la façace ouest. L'édit de Nantes n'est pas encore signé, la région reste instable et proie facile pour les pillards. Morteau se défend et résiste au XVIIe siècle encore, là où l'ancien village de Morteau, niché autour de son église (actuelle Chapelle Saint Sulpice), est définitivement détruit par les mercenaires suédois de la Guerre de Trente Ans (1618-1648).
Une famille proche de La Ligue :
Signe extérieur de pouvoir, Morteau révèle toutefois un seigneur peu attaché au luxe et aux plaisirs du monde. Le décor intérieur est sobre, imperméable aux raffinements de la Renaissance. Les salles voûtées du rez-de-chaussée ont une allure à la fois spartiate et monacale. Manifestement animé d'une foi profonce, lié à la Ligue par l'engagement de Chaumont et de sa belle-famille, le seigneur de Morteau y laisse plusieurs témoignages de piété: c'est à Morteau qu'il signe le récit de pèlerinage à Jérusalem et conservé aujourd'hui à la réserve de la Bibliothèque Nationale. Mais surtout, il fait édifier au sommet de la tour d'entrée une chapelle domestique, consacrée en 1599 par Guillaume Rose. Après la peste qui sévit dans la région en 1636, sa femme Marguerite Rose, qui a financé avec son fils Galaad le collège des Jésuites de Chaumont, fait peindre sur les murs de la chapelle de Morteau des fresques toujours visibles aujourd'hui et dédiées à la Vierge et à Saint Charles Borromée, qui s'était particulièrement illustré pendant la peste de Milan en 1576.
Ainsi Morteau dit pierre à pierre les forces et les incertitudes de son époque, le goût du pouvoir, la violence, la foi. Plus tard, bien plus tard dans le dernier tiers du XVIIIe sicèle, Morteau l'austère sera repris en main par un autre maître, le Comte de Beaujeu qui cherchera à lui donner un autre visage et en fera véritablement un château.