S’arrêter dans le joli village perché d’Eguilles, à Saint-Cannat, Lambesc, Rognes ou au Puy-Sainte-Réparade. Prendre le temps de s’y balader, sera l’occasion d’admirer des lavoirs et de vénérables fontaines, dont certaines étaient ou sont encore à triple usage : pour l’homme, les chevaux et les moutons, à l’image de la fontaine des Barri à Saint-Cannat, qui vous rappelle que vous êtes dans l’un des territoires traditionnels de la transhumance. A Lambesc, ne manquez pas l’intéressant lavoir classé, très rare exemple à voûte de pierre. La rencontre de cette eau maîtrisée est ponctuée de panoramas magnifiques sur la vallée de la Touloubre et le val de Durance. Elle vous emmène à la découverte d’une ville à la longue tradition de la maîtrise de l’eau : la Roque d’Anthéron ; en témoignent le canal moyenâgeux du Moulin, dû aux moines de Silvacane, et surtout ceux de Craponne en 1554 ou de Montricher, 300 ans plus tard. Autre chef-d’œuvre technologique : le bassin de Saint-Christophe qui évacue de lui-même les limons de la Durance.
Adam de Craponne est né à Salon-de-Provence en 1526. Ingénieur du roi Henri II, il obtient en 1554 la “permission et licence de dériver les eaux de la Durance à son profit et pour en jouir, user et disposer par les terroirs de la Roque, Lamanon, Salon et autres lieux où bon lui semblera et où lesdites eaux pourront être conduites.” En effet, il souhaitait édifier un canal afin d'apporter l'eau qui manque à sa ville, Salon, et
permettre de faire tourner les moulins nécessaires pour moudre le grain. Pour arriver à ses fins, il mobilise la noblesse salonaise, notamment Nostradamus comme bailleur de fonds, car ni le Roi, ni la Province ne souhaitent participer financièrement. Adam de Craponne s’investit totalement dans son projet, y consacre toute sa fortune, vend les terres familiales : son canal est l’oeuvre de l’obstination d’un homme visionnaire qui surmonte de nombreux obstacles juridiques, techniques et financiers, fini ruiné et doit quitter la Provence.
Pourtant son canal qui prend sa source dans la Durance à la Roque d’Anthéron a transformé toute une région et plus particulièrement la Crau, cet ancien delta caillouteux de la Durance. Grâce à lui, la Crau devient une zone fertile, reconnue pour son arboriculture, sa production maraîchère et la qualité exceptionnelle de son foin, aujourd’hui le premier et le seul en Europe à détenir l'Appellation d'Origine Protégée, l'équivalent de l'AOC à l'échelle européenne. Son canal a façonné ce territoire d’agriculture et d’élevage, transformé son économie et permis l’implantation de
nombreux moulins. A l’origine long d’une soixantaine de kilomètres, il est prolongé pour
atteindre plus de 130 km, rallier Arles et se jeter dans le Rhône. L’eau sauvage de la Durance, qui est alors considérée comme un véritable fléau est maîtrisée dès son entrée dans le canal mais aussi tout le long de son parcours, grâce aux connaissances et au savoir–faire de Craponne, qui utilise remarquablement la gravité, choisi son tracé pour permettre un écoulement optimal. Il régule celui-ci à l’aide de martelières, cette sorte de dispositif mécanique comparable à un clapet encastré dans un mur et formant barrage sur le cours d’eau, permettant ainsi de faire varier le débit suivant les besoins, en les ouvrant plus ou moins. Le Canal de Craponne inauguré le 30 avril 1579
est dès le XVIe siècle une réussite totale, une oeuvre de modernité et un modèle repris partout enEurope.
En 1558, Adam de Craponne présenta également le projet d'un canal pour apporter l’eau dont a tant besoin Marseille en période estivale, en effectuant une prise sur la Durance, un peu en aval du pont de Mirabeau, et en passant par Aix. Ce projet ne sera cependant pas réalisé, mais inspirera largement Franz-Mayor de Montricher… trois siècles plus tard !
Si d'autres ouvrages sont venus compléter l’alimentation en eau des villes de la région, certains de ses ponts et aqueducs, vieux de 460 ans, sont toujours utilisés pour l'irrigation et les eaux de la Durance passent aujourd’hui encore en certains endroits par le canal de Craponne et ses dérivations multiples.
Adam de Craponne qui mourut à Nantes empoisonné, victime de la jalousie d’ingénieurs italiens fut tardivement honoré par la ville de Salon, qui lui a dédié une fontaine en 1854, sise devant l’Hôtel de ville, surmontée de sa statue sculptée par le grand maître aixois Joseph-Marius Ramus.
Très récemment un groupe d'artistes de l'association Decoblasters a réalisé une fresque en hommage à ce bienfaiteur, sur un mur en périphérie du centre-ville.