Longueville-sur-Scie à pied

C'est ici sur la place du village que commence notre visite. Au 11e siècle, on connaît Longueville sous l'appellation "LongamVillam". Et en effet Longueville se trouve resserré entre deux collines et ne pouvait s'étendre que du Nord au Sud, le long de la rivière. La commune tire sûrement son nom de cette caractéristique.  Au 12e siècle, on l'appelle "Longa Villa Giffardi"; Pourquoi la Giffarde? Il s'agit du nom des seigneurs de l'époque, ce qui témoigne de l’empreinte de la famille seigneuriale sur la destinée de cette bourgade aux cours du XI° et du XII° siècle. Famille qui construisit le château dont on ira voir les ruines un peu plus loin. Des découvertes archéologiques ont permis d’établir l’occupation du site dès l'époque gallo-romaine mais c’est par son passé médiévale que la ville reste très fortement marquée par la présence de son château ancré dans l’histoire de la Normandie. Son blason présent sur la façade de la mairie atteste de cet héritage.

Cette place n'a pas toujours eu le même visage. Le centre-bourg de Longueville va subir d'important changements au cours du 19e siècle. La réalisation de la route départementale n°32 reliant Bolbec à Blangy-sur-Bresle va redéfinir le cœur de la ville. La place du village est alors entièrement repensée. Certains propriétaires sont frappés par un nouvel alignement tandis que la mairie elle-même est contrainte d'être détruite et reconstruite un peu plus loin. L'ancienne mairie abritait la halle de la boucherie au rez-de-chaussée, la salle de la Justice de Paix et la mairie à l'étage. La mairie actuelle inspirée de l’art déco est inaugurée en 1936.

Déjà au début du 20e siècle, de nombreux commerces étaient présents dans le centre bourg. On y trouvait les indémodables boulangeries, boucheries, charcuteries mais aussi des métiers disparus de nos jours comme les blanchisseuses, les bonnetier-merciers, les bourreliers, les chaisiers, ou encore les chapeliers. On dénombrait aussi pas moins de cinq épiceries, dix cafés et trois hôtels, l’hôtel du Cheval Blanc et l’Hôtel de l’Ecu de France sur la place et l’hôtel de la Poste à l’angle des rues Berthet Burlet et Gauthier Giffard.

Voici l'une des plus anciennes maisons de Longueville-sur-Scie. La partie de droite est représentative du 17e siècle. On retrouve des décors géométriques fait d'une alternance de briques, silex et pierres. On remarque au rez-de-chaussée, la petite porte en arc plein cintre. Les autres ouvertures ont été élargies, on perçoit encore les anciennes ouvertures en arcs surbaissés.  La partie de gauche date certainement de la même époque - peut être un peu plus tardif. la jonction en brique entre les deux maisons semble être du 18e. Il semble bien s'agir de deux habitations différentes, aussi bien si l'on prend en compte les différences stylistiques, les matériaux, et le fait que la corniche de droite s'arrête net.

La station de Longueville-sur-Scie est mise en service le 1er août 1848 par la Compagnie anonyme des chemins de fer de Dieppe et de Fécamp, lorsqu'elle ouvre à l'exploitation les 51 km de sa ligne de Malaunay à Dieppe. Son tracé suit le cours de la Scie et coupe littéralement la ville en deux. L'installation de la gare en plein centre va impacter économiquement la commune, en atteste la présence de trois hôtels et des nombreux commerces qui existaient auparavant.  En 2015, la SNCF estime la fréquentation annuelle à 29 540 voyageur. L'ancien bâtiment voyageurs et une ancienne halle à marchandises.

La Scie est un fleuve de 40 km qui prend sa source à Etaimpuis et se jette dans la Manche à Pourville. Sa présence favorise l’activité économique de la vallée qui voit fleurir de nombreux moulins tout au long du cours d’eau. 43 seront recensés en 1870 par le service des Ponts et Chaussées. Construits dès le Moyen Âge, ils étaient utilisés pour le broyage de différents types de céréales, mais également pour la fabrication du tan pour colorer le cuir. Au début du 20e siècle, une usine électrique utilisant la force du courant fut installée. Commence alors petit à petit l’électrification des rues et des habitations autrefois éclairées par des lampes à pétrole.

Ici, un peu d'imagination est nécessaire, car aujourd'hui ce dont je vais vous parler n'existe plus. Auparavant, se trouvait dans cette rue un prieuré conventuel de l'ordre de Cluny fondé au 11e siècle. Il s'agissait d'un important monastère, on le surnommait à l'époque l'Abbaye de Longueville !  Il se composait notamment d'une église romane et gothique, de bâtiments claustraux, des bâtiments d'habitation et des dépendances nombreuses. Il servait notamment de gîte d'étape pour les messagers de l'ordre de Cluny passant en Angleterre. Le Plan qui apparaît est celui du prieuré datant de 1732.  L'abbaye ou plus exactement le prieuré s'élevait au pied du château-fort de Gaultier Giffard entre le coteau Est de la vallée que couvraient ses jardins et l'emplacement actuel de la mairie et des halles. Il occupait un enclos de sept à huit acres ou cinq hectares environ que traversait la rivière.  L'église orientée en forme de croix, bâtie en pierre de taille et moellons, couverte en tuiles. Elle mesurait 73 mètres environ de longueur sur 34 mètres de large, murailles comprises.  Le prieuré est démoli et transformé en filature en 1816.

Ce château édifié au 11e siècle par Gauthier Giffard fut modifié, restauré au cours des siècles et des batailles, puis abandonné et pillé peu à peu au 17e siècle. Le château fut possédé par d’illustres propriétaires, changeant de main alternativement entre possession française et anglaise. On note PHILIPPE-AUGUSTE, LOUIS IX dit SAINT – LOUIS, PHILIPPE LE BEL, qui en fait don à son célèbre ministre ENGUERRAND DE MARIGNY, ou encore Bertrand Du Guesclin.  Un manoir y fut bâti au milieu du 19e par la famille Berthet Burlet. Il fut détruit au début du 20e pour redonner son visage primitif au château, et fut ensuite classé au titre des Monuments Historiques en 1969.  Un panneau disposé à proximité de l’édifice permet de découvrir  une aquarelle du château inspiré par des documents d’archives.  De l’édifice et de ce qui s’y trouvait, il ne reste que peu d’éléments. La tête d’un chevalier sculptée en pierre fut retrouvée dans le puits du château. Récupérée par le Musée des Antiquités de Rouen, il pourrait s’agir d’un fragment d’une des trois statues commandées au 15e siècle par le Comte de Dunois alors seigneur des lieux. 

De l’édifice roman du 11e siècle, il ne reste que de grandes arcades murées et quatre fenêtres sur le mur gouttereau Nord de la nef. Les parties en grès datent du 16e siècle comme le portail d’entrée qui porte la date de 1582. Il comporte de nombreux symboles sculptés comme une coquille rappelant les pèlerinages de Saint-Jacques-de-Compostelle, un poisson personnifiant le christ ou évoquant le miracle de la multiplication, et une marguerite. A l’intérieur vous découvrirez le plan du prieuré Sainte-Foy de Longueville.  Les fonds baptismaux richement décorés du 16e siècle sont classés au titre de Monuments Historiques. 

Au 19e siècle, deux écoles permettaient l'instruction des enfants. En 1864, un projet de création d’une école réservée aux filles voit le jour. Un terrain attenant à l’église côté Sud est acquis et une classe est créée dans la bâtisse en brique faisant face à la route. Une seconde classe plus petite se trouvait dans la maisonnette à fleur de route. En 1902, un nouveau projet de construction de classe, préau et dépendances est proposé. Une école est alors construite au fond de cette même parcelle. On lit encore sur la façade l’inscription “Classes”. Quant à l’ancienne école de garçons, elle était située rue du Général de Gaulle face à la gare.