Aux gués des Hoguets !

Le lavoir du village date de 1896 ; il est construit sous bâtière d'ardoises avec des moellons provenant de deux ères géologiques différentes : du schiste primaire et du calcaire secondaire ; les bacs intérieurs sont en calcaire gris. Le lavoir est ouvert en large, limité par un garde-corps en bois et par des piliers cimentés à sommet pyramidal ; le linteau de bois est supporté par deux retours d'angle en pierres calcaires dressées, et est renforcé par une colonne de fonte. En façade, sur le trottoir, deux abreuvoirs étaient destinés aux troupeaux. Le bâtiment est classé depuis le 6 janvier 1983.

Autrefois, Harinsart s'étendait selon un axe unique, le long du chemin en ligne droite d'Orsinfaing à Villers-sur-Semois. Comme la finale de son nom l'indique, un défrichement peut-être de peu antérieur au XIIIe siècle, est à l'origine de la petite localité citée en 1260 et probablement affranchie par la suite à la loi de Beaumont. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, une voirie nord-sud se développe pour relier Marbehan et sa gare, à Tintigny. Piétons, gardez bien votre gauche durant 1,5 km !

Le chemin de fer fait son apparition en province de Luxembourg avec l'inauguration de la ligne 162 en 1858. La Compagnie de Virton inaugure en 1872 le tronçon Marbehan - Virton ville (gare aujourd'hui désaffectée). En 1873, la Compagnie des chemins de fer de l'Est termine le tronçon Montmedy - Écouviez (frontière). En 1951, le trafic voyageurs est abandonné sur les deux tronçons ; le tronçon Ethe - Virton, qui ne voit plus passer le moindre trafic depuis 1953, est déferré en 1958. En 1968, le tronçon Croix-Rouge - Ethe, déserté depuis 1962 subit le même sort et à la fin des années 1970, la crise du bassin sidérurgique fait que le trafic du tronçon transfrontalier s'est effondré. En 1985, la SNCF et la SNCB conviennent de fermer le point frontière de Lamorteau - Écouviez. La section Virton - Harnoncourt est maintenue à voie unique, comme raccordement industriel de l'usine de pâte à papier « Burgo - Cellulose des Ardennes ». Le maigre trafic est reporté au point Frontière Athus - Mont Saint Martin (ligne 167). En 1997, un nouveau raccordement est établi entre Marbehan et l'usine d'embouteillage Nestlé Waters Belgium à Étalle, via la ligne industrielle 289. Le trafic a été interrompu d'octobre 2007 à mai 2008 et a cessé définitivement. À Croix-Rouge, la scierie Dusausoit expédiait des wagons de bois. Depuis 2012, ce qui reste de la ligne n'est plus utilisé ni entretenu par Infrabel.

Panorama au nord sur la vallée de la Rulles, et au sud, sur la vallée de la Semois. Le lieu, dit "Au gibet" (alt. 377 m), de sinistre mémoire, comportait autrefois une potence pour les hautes oeuvres de justice. En atteste la carte de Ferraris (fin du XVIIIe s.).

Nous quittons ici le chemin de crête qui parcourt sur une dizaine de km la colline séparant les vallées de la Rulles et de la Semois. Sans doute rejoignait-il autrefois la bien réelle chaussée romaine Reims-Trèves, au-delà du village actuel de Saint-Vincent. Prudence au moment d'aborder la route macadamisée Etalle-Rulles. Le carrefour est dangereux, les automobilistes n'ont presque pas de visibilité !

Le village compte plusieurs passerelles et de nombreux ponts : comptez combien vous en franchissez au long de notre promenade ! Plusieurs cours d’eau traversent le territoire : d’abord la Rulles qui se jette dans la Semois et qui a comme affluent la Mandebras, la Mellier et plusieurs ruisseaux qui dévalent des hauteurs de l'Ardenne. Les Rullots ont jadis tiré profit de l'énergie hydraulique de ces cours d'eau, en installant ici et là moulin, forges et scierie.

Devenu instituteur en 1915, puis pourvu du titre de docteur en philologie classique, professeur à l'École des Cadets de Namur, ce fils de forgeron entreprend de rédiger sa propre grammaire française pour les besoins de son enseignement. Les Éditions Duculot publient en 1936 son Bon Usage, "la meilleure grammaire de la langue française" (André Gide). En 2011, la 15e édition se double d'une version électronique. L'école primaire de Rulles et la gare de Marbehan portent désormais le nom de Maurice Grevisse. A voir dans la rue éponyme, près du pont de la Rulles : le curieux monument à sa mémoire, sculpté par l'artiste régional Fernand Tomasi.

Depuis ses diverses sources sur le flanc sud de l'Ardenne, la Rulles a dévalé une centaine de mètres. Ses eaux, de qualité exceptionnelle, sont vives et bien aérées et correspondent à la zone à truites. Le fond de la vallée est occupé par des prairies de fauche abandonnées. On y rencontre une remarquable diversité d'associations végétales, comme par exemple la lande à nard, le bas-marais à trèfle d'eau et comaret, la cariçaie à laîche vésiculeuse, etc. Dans le dialecte gaumais, les hoguets désignent ces fonds humides parcourus par la Rulles, de Habay à Orsinfaing, en passant par Houdemont, Nantimont, Villers, Harinsart. C'est aussi tout naturellement le nom de leurs habitants. Ne vous approchez cependant pas des rives, on raconte par ici que "le Henri-crochet" a tiré plus d'un pêcheur imprudent jusqu'au fond de l'eau !

Avez-vous bien compté les ponts sur et sous lesquels vous êtes passé ? J'en ai compté trois : deux passerelles sur la Rulles, le pont de pierre du chemin de fer. Le pont routier à deux pas du monument à M. Grevisse n'entre pas en ligne de compte !