Fraîcheur et retour aux sources : les fontaines de Paris

Commande du baron Haussmann, située à l’angle du boulevard Saint Michel et de la place Saint André des Arts, cette fontaine polychrome de 26m de haut et 15m de large date de 1860, elle devait à l’origine recevoir une statue de Napoléon 1er, mais elle fut érigée en souvenir d’une ancienne chapelle Saint Michel de l’île de la Cité. Si la profusion de statues nuit à la cohérence de l’ensemble, elle présente cependant un intérêt certain. Plus qu’une allégorie de la victoire du Bien sur le Mal, il s’agit d’une représentation du travail alchimique. Saint Michel en terrassant le dragon, ne le tue pas, il discipline l’énergie afin de l’utiliser, il indique l’accomplissement de l’Oeuvre. Comme Hermes, placé au carrefour de la vie et de la mort, le saint, posé à l’intersection de la place et du boulevard, pèse les âmes et par sa position supérieure, domine les trois mondes représentés par les trois marches. Les deux chimères symbolisent le temps et la nature, le cours de la vie.

Cette fontaine très romantique sous la fraîcheur de ses arbres fut construite pour le palais du Luxembourg par Francini sur la demande de Marie de Médicis désireuse de retrouver l’atmosphère des jardins de Boboli. Elle demeure la seule trace des éléments décoratifs extérieurs prévus par la reine pour son nouveau palais. Composée à l’origine comme une grotte, elle contenait un bassin qui ne deviendra fontaine qu’au 19e siècle à la suite de son remaniement. En 1860 les travaux du baron Haussmann vont nécessiter son déplacement. Il sera réalisé en 1862, la fontaine se rapproche du palais, on lui adjoint un long bassin bordé de platanes. Dans la niche centrale : un groupe représentant Acis et Galathée étendus sous un rocher et surveillés par Polyphème. Les niches latérales sont occupées l’une par une chasseresse, l’autre par un faune. Sur la façade orientale se trouve la fontaine de Léda, déplacée elle aussi lors du percement de la rue de Rennes. C’est l’une des plus belles de Paris.

Cette fontaine de style néo-égyptien construite en applique date de 1806, elle fait partie des fontaines ornementales commandées par Napoléon 1er. Sa réalisation fait suite à la campagne d’Egypte. La statue s’inspire de la représentation d’Antinoüs, un favori de l’empereur Hadrien, la statue d’origine avait été ramenée comme prise de guerre après la campagne d’Italie, on peut la voir désormais au musée du Vatican. Sculpté dans une pierre de piètre qualité, le personnage a été remplacé en 1844. Au sommet de l’édifice l’aigle impérial a remplacé le disque solaire, l’eau s’écoulait de deux amphores placées dans les mains du fellah. Actuellement, l’eau ne coule plus mais sa remise en route est prévue. Cette fontaine exotique et discrète mériterait une attention plus soutenue de la part des services chargés de son entretien.

Sise au coin de la rue de l’Arbre sec et de la rue Saint Honoré, cette fontaine est alimentée par l‘eau d’Arcueil. Sa première construction date de 1529, on la doit à Jean Goujon, elle sera reconstruite, en 1606, déplacée n 1636 puis restaurée par Soufflot en 1775. Elle est ornée d’un mascaron et d’un bas relief représentant une nymphe. Le bâtiment qui soutient la fontaine été occupé par des fontainiers jusqu'au milieu du 20e siècle, devenu le consulat d'Andorre, une fois vide, il fut ensuite squatté par un collectif d'artiste avant de devenir un laboratoire de création. Le nom de Trahoir est peut-être issu d’un ancien mot désignant un tiroir, la fontaine était placée à un carrefour très animé, on y trouvait un marché, ce fut aussi le siège d’exécutions capitales, gibet, roue de supplice et occasionnellement quelques bûchers ont longtemps agrémenté le décor. C’est à ce carrefour que débuta en 1648 la Fonde qui agita le royaume de France durant cinq ans.

La première fontaine du quartier des Halles date probablement du 12e siècle, elle était placée au centre du cimetière des Innocents (actuelle place Joachim Du Bellay), c’est dire la pollution dont cette eau se trouvait chargée du fait de la décomposition des corps. Déplacée en 1548, on l’adossé à l’église des Saints Innocents (environ 40 mètres au nord ouest de la place par rapport à son emplacement actuel), érigée par Pierre Lescot et décorée par Jean Goujon, elle se présente alors sous la forme d’une loggia ouverte. Elle sera déplacée une nouvelle fois à la suite de la disparition de l’église et du cimetière à la fin du 18e siècle. Isolée au milieu d’un espace destiné à devenir un marché, elle sera retravaillée et recevra en 1788 une quatrième façade que le sculpteur s’efforcera de réaliser dans l’esprit de Jean Goujon. En 1860, elle sera de nouveau déplacée pour venir orner le square actuel qui a succédé au marché devenu inutile après la construction des halles de Baltard.

Napoléon 1er décida en 1806 de la création de quinze fontaines supplémentaires destinées à améliorer l’approvisionnement en eau des parisiens. Il n’en reste plus que cinq (dont la fontaine du Fellah rencontrée un peu plus tôt). La fontaine du Palmier (ou fontaine de la Victoire) est créée en 1808 par François-Jean Bralle. Il s’agit d’une colonne de 22 mètres de haut coiffée d’un chapiteau égyptien. Elle doit son nom à la présence de feuilles de palmiers à son sommet, elle commémore les victoires de l’Empire. Boizot a doté la fontaine de plusieurs statues, l’une d’elle représentant la Victoire domine l’édifice, elle tient des lauriers à la main, à la base on découvre quatre allégories : Prudence, Justice, Force et Vigilance. De dimension plus modeste à l’origine, la fontaine se verra gratifiée lors de son déplacement de 1858 d’un nouveau socle et d’un bassin gardé par quatre sphinx. Elle est encadrée par le théâtre de la Ville et le théâtre du Chatelet.

Il s’agit d’une des plus anciennes fontaines de Paris, son alimentation résultait d’une captation des sources de Belleville. Citée dès 1392 dans une lettre patente de Charles VI, il s’agit d’une fontaine aux eaux de mauvaise qualité : Mau buée : la mauvaise buée. Elle se situait à l’origine dans un espace occupé maintenant par le Centre G. Pompidou (la rue Maubuée se plaçait dans le prolongement de la rue Simon Lefranc, La moitié de cette ancienne rue, celle située entre la rue Brisemiche et la rue Beaubourg, a disparu lors de la destruction d’un Ilot Insalubre. Elle a été déplacée en 1937 pour occupé sa place actuelle à l’angle de la rue de Venise et de la rue Saint Martin. Elle fut chantée par François Villon. Son bas relief date de 1733, il représente un vase rocaille entouré de plantes marines et de roseaux, nous le devons à Jean et Jean-Baptiste Beausire.

Le square René Viviani se situe au nord de l’église Saint Julien le Pauvre sur l’ancien emplacement d’une annexe de l’hôpital de l’Hôtel dieu, il recèle en son centre un puits du 12e siècle, des pierres taillées, restes d’édifice religieux et une élégante fontaine contemporaine, réalisée par Georges Jeanclos Mosse, elle a été mise en place en 1996 en hommage aux enfants juifs morts en déportation. La fontaine est belle, mais elle est rendue encore plus intéressante par la proximité du plus viel arbre de Paris, un robinier planté en 1601 dont les plants furent donnés à Jean Robin (1550-1629), directeur du jardin des Apothicaires par son ami John Tradescant the Elder. Depuis cette date, l’arbre veille sur la ville du haut de ses 15 mètres et de ses 3.50m de circonférence, alimenté par l’eau du puits il berce l’âme des enfants de la fontaine.