De Chantemelle à Vance par fanges, sources et fontaines

A proximité de l’école communale de Chantemelle et contigu avec la ferme du n°30, Place de l’Etang, se dresse le bâtiment du "Cercle Saint-Michel". Construit en 1756, c’était l’ancien presbytère, jusqu’à 1908, date de construction du nouveau. L’abbé Dussart fut en 1920 le promoteur de l’implantation du cercle actuel. Les jeunes de Chantemelle s’y transformait en acteurs pour trois soirées par an : à la Saint-Michel, à Pâques et à Noël. Cela dura jusqu’à la guerre 40-45. Plus récemment, un renouveau se dessine par un groupe de responsables chantemellois désireux de mettre à la disposition de leur village un outil nécessaire et vivant.

Poncin Biloque, fils d’un maréchal-ferrant, naquit à Chantemelle le 16 juin 1844 au 38, PLace Saint-Michel. Après des études secondaires à Carlsbourg, il étudia la peinture à Paris, puis professa un certain temps à Liège. Il peignit le chemin de croix qui décore l’église de Chantemelle et en fit don à la paroisse. Cette œuvre a été restaurée récemment. Il est à remarquer qu’aucune toile n’est signée. L’artiste choisit plusieurs personnes de Chantemelle comme modèles. Vers 1880, Poncin Biloque fit construire un très bel immeuble, place Saint-Michel, puis, un peu plus tard, quitta son village natal. Il se maria à Namur et y mourut en 1889.

Ferme du XVIIe siècle aux façades en redent. Le corps de logis est à gauche, de deux larges travées de deux fenêtres à linteaux bombés, sur deux niveaux. La porte est surmontée d'une fenêtre plus étroite. La répartition à l'arrière est identique. La partie agricole, à droite, est en avancée par rapport au corps de logis. Elle a été restaurée et ne présente plus exactement les caractéristiques du bâtiment d'origine.

De part et d'autre de la ferme au 36 Place Saint-Michel et devant celle-ci se trouvent deux arbres remarquables pour leur intérêt religieux (proximité de l'église) et paysager : un frêne commun(Fraxinus Excelsior) et un tilleul de Hollande (Tilia x europaea).

Chantemelle compte 5 pompes-abreuvoirs de la même époque (1883) et plus ou moins de la même facture. L’agriculture, fin du XIXe siècle, devenait la principale ressource de la majorité des ménages de Chantemelle. Les carriers ont abandonné l’extraction du minerai de fer, les charbonniers ont quitté la forêt, les voituriers ont cessé d’alimenter les forges des environs, suite à la fermeture des fourneaux de la région en 1850. Pour répondre au désir maintes fois exprimé par les agriculteurs, en 1883, l’administration communale de Vance-Chantemelle décide de creuser 5 puits et d’acheter des abreuvoirs munis d’une pompe. Ceux-ci furent répartis dans les différents quartiers du village. Comme la fontaine, ces abreuvoirs furent alimentés par l’eau de distribution à partir de 1928. Les balanciers devenus inutiles furent enlevés et remplacés par un levier commandant le remplissage du bac. Sous ces pompes, on découvre encore les restes de puits. Sur la place Saint-Michel, à proximité de l’église, l’abreuvoir n’est plus présent, mais il reste la pompe, hexagonale, avec une base renflée ornée de motifs végétaux et une pomme de pin sur le dessus.

Erigée en plein centre du village, à l'angle des rues d'Arlon et de la Gravalle, sur une place qu'elle occupe entièrement, sa construction date des années 1841-1842, inaugurée en 1843, elle a été bénite en septembre 1844. Dédiée à Saint-Michel, que l'on fête le 29 septembre, elle est typique des églises gaumaises par sa forme rectangulaire et son style néo-classique. La nef a quatre travées et les voûtes ont été renouvelées en briques en 1913. A voir particulièrement dans l'église, une piéta et un autel en bois polychromé du XVIIIe siècle, mobilier qui appartenait à l'ancienne église, une croix de mission et un chemin de croix qui tire surtout son originalité par le fait qu’il a été peint par Poncin Bilocque, un enfant du village, qui a fait sa carrière dans la peinture à Paris. Face au portail de l'église, sur la place, on peut admirer un très beau tilleul classé en 1983. Il aurait été planté par Pierre-Joseph Gratia en 1890 pour marquer l’événement du mariage de sa fille Eugénie avec Monsieur Emile Muller.

Ferme tricellulaire, avec corps de logis à gauche, d'une travée de deux fenêtres, dont celle du rez-de-chaussée à linteau bombé, étable au milieu et grange en arc surbaissé à droite, four à pain semi-circulaire dans le mur-pignon à gauche. La date de construction se trouverait sur la charpente.

La fontaine publique du bas du village de Chantemelle date du début du XXe siècle. Elle a été construite au lieu-dit "Pré entre les Eaux". En 1901, l’administration communale de Chantemelle projette la construction d’un lavoir plus aisément accessible que celui établi aux "Laveux". Des sondages en sous-sol sont effectués et une source, dont le débit est suffisant pour alimenter un réservoir, est captée. L’eau est alors canalisée un peu plus vers le nord, à proximité de l’endroit où, actuellement, se trouve le complexe sportif de Chantemelle. Le trop-plein des bacs se déversait alors dans le ruisseau proche de la construction (la "Vieille Rivière", qui se jette dans la Semois 100 mètres plus loin). A partir de 1928, les bacs furent alimentés par le réseau de distribution d’eau. A la même époque, de nombreux particuliers firent installer des bacs dans les dépendances de leur habitation, de sorte que la fontaine fut de moins en moins fréquentée. Elle finit par être abandonnée par les lavandières. Aujourd’hui, le bâtiment sert de stockage de matériel et ne présente plus beaucoup d’intérêt architectural.

A cet endroit se trouvait jadis un passage à gué sur la Semois. Le lit de la rivière et les berges, avant les derniers curages, comportaient des pierres, traces d'une installation sommaire. Pour y parvenir, le chemin empruntait un tracé qui traversait la plaine de jeux actuelle, et qui, surélevé, permettait la circulation entre deux zones marécageuses où les berges de la rivière n'offraient que peu d'obstacle à une inondation perpétuelle. C’est en 1837 que l’administration communale de Vance envisagea la construction d’un pont sur la Semois. Le choix de l’emplacement du pont suscita de nombreuses controverses et des craintes d’expropriation et de morcellement des parcelles agricoles. En 1906, le pont, qui se dégradait, nécessita de sérieuses réparations, dont le coût fut partagé entre Chantemelle, Etalle et Vance. En septembre 1944, lors de la libération du Bas-Luxembourg, des artificiers allemands firent sauter le pont et se replièrent. Il sera reconstruit en 1954 L’ouvrage comporte une arche en arc surbaissé, des culées et parapets en moellonnage de grès jurassique formant un ensemble élégant.

A la sortie de Chantemelle, en direction de Sivry (rue de la Gravalle), à l'embranchement d'un chemin de terre, cette croix de pierre de deux mètres de haut est enchâssée sur un muret carré de pierres du pays. Sur cette croix est fixé un Christ en bronze. Elle fut élevée par l'abbé Flick en 1910 à l'occasion d'une semaine de mission dans la paroisse de Chantemelle.

La Fange de Rut est à la source d'un ruisseau qui se jette dans la Semois : le ruisseau du Grand Tiérand. Elle est aussi traversée par un autre ruisseau : le ruisseau de la Fange de Rut, qui prend sa source un peu plus au nord et se jette également dans la Semois. On peut donc dériver rut de ru ou ruisseau. Il s'agit en tout cas d'un lieu humide (une fange). Une autre possibilité d'origine du toponyme pourrait être que la situation de cette fange en un endroit autrefois boisé était privilégiée par les cervidés, principalement à l'époque du rut.

Au lieu-dit Dit'Brune, à 1,5 km à l’ouest de Vance se situait jadis la fontaine-lavoir de Dit’Brune. Le mot "Brune" est à rapprocher de l’allemand "Brünnen" qui signifie "sources". D’où l’expression "lieu-dit Brünnen" qui s’est wallonisé en Dit’Brune. Cette appellation est une des preuves que Vance a appartenu autrefois à la zone linguistique germanique.C’est sur ce lieu que se situaient les sources alimentant Vance, captées depuis 1947. C’est en 1865 que l’administration communale de Vance a créé en cet endroit la fontaine-lavoir. Georges Matagne dans "Les Fontaines de la province de Luxembourg" la décrit comme "une fontaine perdue dans les champs et qui est un vaste lavoir rectangulaire ouvert sur son grand côté et doté d’un pilier en bois reposant sur une borne en pierre. La construction est en pierre locale, revêtue d’un crépi. On y remarque de beaux chaînages harpés en pierre de taille jaune. L’ensemble est coiffé d’un toit d’ardoises à quatre pans." Ce bel ensemble, déjà laissé à l’abandon, selon G. Matagne en 1974 a été complétement démoli en 1981. Il existe également à cet endroit un étang, actuellement dans une propriété privée, à proximité de la source du Ruisseau de la Fontaine.qui se jette dans la Semois au lieu-dit "Les Moutes", 550 mètres plus au sud, après avoir longé l'ancienne sablière près des terrains de football de Vance.

Dans cette zone, les toponymes évoquent des lieux humides. "Pourie terre" signifie des terres cultivables, mais très humides, sur lesquelles, en périodes d'années de pluie, les récoltes pourrissaient sur pied. A la "Fontaine des Malades", jaillit une source abondante, formant fontaine, auprès de laquelle on conduisait, selon une tradition qui s’est transmise, les grands malades en temps d’épidémie de peste, pour les soigner et surtout pour les éloigner du village. On avait établi à cet endroit, certainement à cause de la proximité de l’eau, des huttes ou cabanes dans lesquelles étaient abrités ceux qui étaient considérés comme perdus sans remède et qui y vivaient leurs derniers moments. Le site de la Fontaine des Malades comporte des étangs et un ensemble de prairies humides reconnues comme site de grand intérêt biologique. On peut également mentionner le lieu-dit "Au Grève", qui, comme "gravelle" ou "gravalle", rappelle les terrains contenant du gravier alluvionnaire.

Erigé à l'entrée ouest du village, sur l'ancienne route Vance-Etalle (N83A), ce calvaire est sans doute le plus ancien du village. On l'appelle communément "la croix du gros mare", c'est-à-dire du gros maire (gros maïeur, gros bourgmestre). Celui-ci semble bien être Nicolas Picard, qui fut bourgmestre de Vance presque sans discontinuité de 1776 à l'an VI (1797) de la république. Ce calvaire (aussi appelé calvaire Notre Dame de Grâce) fut restauré en 1936 lors du congrès de la JAC. Ce calvaire fut une nouvelle fois restauré dans les années 1990. Il s'agit d'une croix où, en plus du Christ, est actuellement fixée une niche avec une Vierge à l'enfant. La croix est plantée à même la terre qui est retenue par un cercle de pierres dressées pour délimiter le petit jardinet qui est toujours entretenu avec soin par la famille Picard et les habitants de Vance.

Véritable château, cette villa a été construite en 1907 par une famille Cailteux de Vance. François Lood en avait été locataire à une certaine période. Il a écrit "Entre espoirs et réalités. L’occupation à Vance entre 1940 et 1945", un carnet de notes écrites durant l'occupation. François Lood donne, au fil des jours et des semaines, des commentaires, des analyses, des comptes rendus de ce qu'il a vécu, entendu, vu. Tout démarre le 12 mai 1940, par l'exode de Vance vers La France et la Gironde. Puis c'est le retour à Vance, à la villa La Semois, en août 40. Une villa pillée par les Allemands. On y lit avec intérêt le vécu de l'occupation - les restrictions, le marché noir, le zèle de contrôleurs qui détournent les produits des champs -, mais aussi des réflexions plus profondes sur le conflit devenu mondial en décembre 41.

Le manoir Thiéry est ensemble architectural en moellons de calcaire chaulé édifié autour d'une cour rectangulaire à la fin du XVIIe siècle, reconstruit en partie en 1745 et agrandi en 1820. François Wolfgang de Tesch s'installa dans une ancienne maison-forte dont il reconstruisit une partie du logis, combla les fossés de défense et remplaça le pont-levis par un pont. Le domaine fut vendu plusieurs fois pour aboutir, en 1820 à Marie Joseph Thiéry, qui supprima les deux tourelles du mur d'enceinte, derniers vestiges de la maison-forte. Le manoir apparaît comme une grosse ferme atypique de l'habitat lorrain et son ampleur indique que ce fut la demeure de familles seigneuriales importantes. La rue des Gamelles, que croise notre parcours, doit sans doute son nom à l'existence dans le manoir Thiéry, tout proche, d'une chapelle avec une voûte, ce qui aurait donné le nom de "Gamelles" à la rue riveraine, puisque "Gamelle" dérive du latin "Camella", signifiant "plafond voûté".

La veuve Grégoire, née Marie Sosson, surnommée la Marie du Mataire. bien connue des enfants du village, outre sa profession de couturière, exploitait, avec sa nièce Julia Thiry une épicerie située au n°6 de l’actuelle rue de la Semois. Les enfants sages qui, pour récompense, avaient reçu un ou deux sous, s'y précipitaient pour acheter des "Nic-nac" ou du chocolat.

Située près de l’église, presqu’au croisement entre la rue de la Semois et la route d’Habay, cette ferme quadricellulaire date de 1834, avec un millésime au portail du logis. Les baies ont plusieurs fois été remaniées. Moellons sous cimentage, calcaire peint ; soubassement et piles d’angle en faux-appareil. Le volume a peut-être été développé à partir d’un noyau plus ancien, encore indiqué à l‘arrière par deux travées de deux baies du XVIIIe siècle à linteau bombé et soffite droit en retrait. Le logis est à droite sur cave et à niveau d’entresol ; deux travées sur deux niveaux de baies inégales avec portail médian à pilastres et entablement à ressauts. Degré renouvelé en calcaire gris avec départ à droite ; porte de cave à gauche. Les locaux agricoles sont à gauche, avec la porte de grange médiane en plein cintre légèrement brisé et les baies d’étable remaniées. Linteaux droits et baies de combles sur l’ensemble de la façade. Le mur-pignon droit comporte deux travées sur deux niveaux de baies inégales à linteau droit ; baie de combles carrée. A l’arrière, pour le logis, on trouve une travée d’une porte cintrée et d’une fenêtre rectangulaire et deux travées du XVIIIe siècle et, pour la partie agricole, une porte et une baie d’étable à linteau droit et des baies de combles plus récentes. Les corniches sont en calcaire en double doucine plutôt du dernier tiers du XIXe siècle. La toiture présente des croupettes des deux côtés.

Près de la butte de l’ancien cimetière de Vance, situé autrefois autour de l’église, se situait un café au 4 rue de la Semois. Sur une ancienne photo, on peut distinguer, sur le pignon de cette maison, la publicité Birrh, du nom de cet apéritif au quinquina, fort prisé à l’époque. Actuellement, la forme du cartouche de l’enseigne de l’établissement est encore visible au-dessus du linteau de la porte d’entrée.

En face de l’église, au 125 rue de la Semois, à l’angle de la rue du Bru, il y avait une épicerie. Le bâtiment a été transformé depuis et a abrité plusieurs commerces, dont une fleuriste et une pizzeria.

Située à l'entrée du village en venant de la N83, il s'agit d'une des plus anciennes églises de la région. Placée sur un tertre, elle était initialement entourée d'un cimetière. Il subsiste la tour romane du XIIe siècle, surhaussée à l'époque gothique. L’église a été entièrement reconstruite en 1746, en conservant la tour de l’ancien édifice. Le maître-autel et les autels latéraux ont été fabriqués à l'abbaye d'Orval. Les boiseries datent de l'époque de la reconstruction, vers 1750. Le tableau du maître-autel a été peint en 1865 par Vandekerkove. Celui de l'autel Saint-Hubert est l'œuvre d'Edouard Franquinet, d'Arlon. Il existait également deux autres tableaux, l'un, encore visible, de la Sainte-Famille et l'autre du Perpétuel Secours (selon Jules Massonnet dans son "Histoire de Vance"). A voir particulièrement dans l'église, une vierge gothique du XIVe siècle en pierre sculptée et polychromée, un beau chemin de croix du XIXe siècle, une statue de Saint-Willibrord en chêne du XVIIe siècle, une statue assez curieuse de Sainte-Renelde, représentée en petite paysanne du XVIIIe, endimanchée et coiffée d'un large chapeau et la cuvette en bronze du baptistère, probablement d'origine romaine.

Une photo, prise à l’entrée du village en 1917, permet de voir, à droite, l’ancien hôtel Baron Noo, au 140 rue de la Semois.

Ce presbytère, situé près de l’église de Vance, a été édifié en 1840, il comporte trois travées de deux baies avec porte médiane, avec la même répartition à l’arrière. Baies de combles en façade ; linteaux droits ; contrevents à l’origine. Corniche calcaire en talon avec ressaut à chaque pile d’angle. Souche de cheminée à corniche moulurée. Toiture avec croupes. Les dépendances à gauche sont de même style, dénaturées par une porte de garage.